ENFIN EN VIGUEUR, QUEL ACCUEIL DOIT ON EN FAIRE ? Comment passer de l’analyse de textes à la pratique ? Voilà quelques remarques préalables sur l'HYPOTHEQUE RECHARGEABLE et du PRET VIAGER HYPOTHECAIRE. L'hypothèque rechargeable et le viager hypothécaire constituent les deux nouveautés pour les emprunteurs. " Mobiliser la valeur du patrimoine immobilier "dormant" dans le financement de l'économie pour relancer consommation et croissance ". Tels sont les vœux formés hier par le ministre de l'Economie à la présentation des deux nouveaux produits de crédits hypothécaires, l'hypothèque rechargeable et le viager hypothécaire, à l'issue du Conseil des ministres qui a validé le projet d'ordonnance de réforme des sûretés. L’hypothèque rechargeable ne peut être utilisée que dans les conditions fixées par l’article 2422 du Code civil
, dont les dispositions sont d’ordre public.
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Cet article fixe d’une part, les conditions de mise en place d’une hypothèque rechargeable et d’autre part, celles applicables à la convention de rechargement. LE RECOURS A L’HYPOTHEQUE RECHARGEABLE Les dispositions de l’article 2422 du Code Civil ne sont applicables qu’aux seules hypothèques conventionnelles et non aux privilèges spéciaux que sont le privilège de vendeur et le privilège de prêteur de deniers, les deux types de sûretés actuellement les plus utilisées dans le cadre des financements immobiliers. L’acte constitutif doit prévoir expressément la possibilité pour le débiteur d’offrir l’hypothèque en garantie d’autres créances que celles résultant de cet acte initial. LES CARACTERISTIQUES DE CETTE HYPOTHEQUE RECHARGEABLE L’hypothèque est prise dans la limite d’une somme prévue dans l’acte constitutif dont le montant est arrêté par le constituant avec l’accord du créancier initial. Une interprétation libérale des textes,( V.M Grimaldi, L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire supra 1195), conduit à considérer que ce montant peut être supérieur à celui de la créance initiale garantie. Pour autant, dans ce cas, l’hypothèque ne bénéficiera au créancier initial qu’à la hauteur du montant de sa créance (en capital, intérêts et accessoires). LA DUREE DE L’INSCRIPTION Conformément aux dispositions de l’article 2434 du Code Civil, elle est au plus de cinquante années, mais le constituant peut demander à ce que l’inscription soit prise pour une durée moindre qu’il déterminera dans l’acte. Le notaire devra attirer l’attention du débiteur sur la faculté qu’il a de renoncer à tout moment à la faculté de recharger l’hypothèque et de le résilier ( C. civ, art. 2423), à condition dans ce cas pour lui de respecter un préavis de trois mois. Ces renonciations ou résiliations ne s’appliquent que pour l’avenir, l’hypothèque continuant à garantir les créances nées antérieurement. LES PARTIES AU CONTRAT Compte tenu du mécanisme de l’hypothèque rechargeable, il conviendra de s’assurer, lorsqu’il s’agira d’emprunteurs solidaires ( co-indivisaires, personnes liées par un pacte de solidarité, époux séparés de biens) ou encore communs en biens, agissant conjointement, que les constituants aient parfaite connaissance du fait que toute conclusion de rechargement impliquera leur engagement solidaire ou conjoint. Sur une durée de cinquante années, la vie n’apparaît pas toujours comme un long fleuve tranquille; ainsi en cas de divorce ou rupture d’un pacte civil de solidarité, le bénéfice de la convention de rechargement ne devrait plus bénéficier qu’à l’attributaire de l’immeuble hypothèque, (peut-on concevoir que la convention de rechargement puisse être utilisée par une autre entité que le constituant d’origine ou son cessionnaire ou subrogé ?). La pluralité de constituants de l’hypothèque rechargeable a été évoquée supra, mais il faut également envisager le cas assez fréquent de la pluralité de créanciers non solidaires pou lesquels il y a lieu de prendre une inscription d’hypothèque rechargeable distincte pour chacun d’eux. Cela peut paraître complexe, mais l’absence de solidarité étant la règle, chaque hypothèque devra être traitée comme étant rechargeable, ( le texte ne prévoit pas cette pluralité d’inscription, mais rien ne semble s’y opposer dès lors que le fait générateur est le même acte constitutif). Il conviendra de stipuler que les créanciers viendront tous au même rang et en concurrence entre eux.( Il doit en être ainsi quelles que soient les dates de prise d’effet des inscriptions. En effet, à défaut de dépôt des bordereaux le même jour ou encore en cas de refus de l’un d’eux, toutes les inscriptions ne viendraient pas en même rang. La convention de concurrence ne peut, en effet, être prévue dans le bordereau et oblige alors à faire mentionner cette convention en marge des inscriptions, dès lors que celles-ci n’ont pas été prise le même jour). LA PROTECTION DE L’EMPRUNTEUR-CONSOMMATEUR DE CREDITS Enfin, il faut rappeler le dispositif retenu par l’ordonnance pour la protection de l’emprunteur, d’une part dans le Code de la consommation, et d’autre part dans le Code de commerce. Le Code de la consommation est modifié pour étendre le champ d’application de la protection attachée au crédit à la consommation aux crédits hypothécaires ( art. L. 311-3). L’article L 313-4 modifié, vise ainsi tant le crédit immobilier que le crédit à la consommation , dès lors qu’ils sont garantis par une hypothèque rechargeable. L’article L 313-14-1 ajoute une annexe à l’offre préalable de crédit. Ce document intitulé " Situation Hypothécaire ", doit être remis à l ‘emprunteur en même temps que l’offre de crédit. Il doit comporter : 1° la mention de la durée de l’inscription hypothécaire, 2° L’identification du bien immobilier, objet de la garantie, et sa valeur estimée à la date de la convention constitutive d’hypothèque 3° Le montant maximal garanti prévu par la convention constitutive d’hypothèque 4° Le montant de l’emprunt initial souscrit 5° Le cas échéant, le montant du ou des emprunts ultérieurement souscrits 6° Une évaluation par le prêteur du coût du rechargement de l’hypothèque garantissant le ou les nouveaux crédits. 7° Une évaluation par le prêteur du coût total de l’hypothèque 8° La mention que, sans préjudice de l’application des articles L.311-30 (Art L 311-30 : en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restants dues produisent les intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du Code Civil, sera fixée sur un barème déterminé par décret.), et L 311-32 (Art 311-32 Aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L 311-29 à L311-31 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles. Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement des frais taxables qui lui auront été occasionnés par cette défaillance, à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement .En cas de défaillance de l’emprunteur, seuls les modes de réalisation du gage autorisés par les articles 2346 et 2347 du Code Civil sont ouverts aux créanciers gagistes, à l’exclusion du pacte commissoire prévu à l’article 2348 qui est réputé non écrit.), s’ils s’agit d’un crédit à la consommation ou des articles L312-22 ( articles L 312-22 : en cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans les limites fixées par décret, le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêt échus. Jusqu’à la date du règlement effectif , les sommes restants dues produisent des intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du Code Civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret) et L 312-23 ( Art L 312-23 : Aucune indemnité ni aucun coût autres que celui qui sont mentionnés aux articles L 312-21 et L 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans le cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles. Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement, sur justification, des frais taxables qui lui auront été occasionnés par cette défaillance à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement),s’il s’agit d’un crédit immobilier, la défaillance de l’emprunteur peut entraîner la vente du bien hypothéqué selon les dispositions des articles 2464 et suivants du Code Civil. Le créancier accordant un crédit assorti d’une hypothèque rechargeable sans avoir saisi l’emprunteur d’une offre préalable de crédit accompagnée du document visé ci-dessus est passible d’une amende de 3750 €. Enfin, les opérations visées par l’article L 313-9 de Code de la Consommation (crédits révolving assortis ou non d’une carte de crédit) ne peuvent donner lieu à un crédit garanti par une hypothèque rechargeable. Le Code de commerce est également modifié (art L526-5 nouv) et applique les dispositions des articles L313-14 à L 313-14-2 du Code de la Consommation ( ces trois articles forment la section 6 : crédits garanti par une hypothèque rechargeable.) aux petits entrepreneurs. C’est ainsi que toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel, toute personne physique exerçant une activité professionnelle, agricole ou indépendante, ainsi que le gérant associé unique d’une SARL , bénéficient des dispositions protectrices du Code de la consommation, lorqu’elle concluent un prêt garanti par une hypothèque rechargeable inscrite sur l’immeuble où l’intéressé a fixé sa résidence principale. Pour tout crédit entrant dans le champs d ‘application de l’artiste L313-14-1 du Code de la consommation, qu’il s’agisse du crédit initial ou d’un crédit ultérieur impliquant la mise en place d’une convention de rechargement, il sera prudent de rappeler dans l’acte les informations du document annexe de l’offre de prêt.
Concrètement, l'hypothèque rechargeable permettra à un ménage qui a contracté un crédit immobilier garanti par une hypothèque, de souscrire un crédit à la consommation, dans la limite de l'enveloppe prévue lors du prêt initial. Le viager hypothécaire permettra lui à une personne âgée de percevoir une rente sous la forme d'un crédit contre la mise en hypothèque de son logement, afin de réaliser des travaux ou recourir aux services de tiers.
Face aux critiques des associations de consommateurs, le gouvernement a pris le maximum de précautions, comme le passage systématique devant notaire pour l'hypothèque rechargeable, le plafonnement de la dette à la valeur du bien à l'issue de l'opération ou encore la suppression du démarchage pour le viager. Mais tout reproche n'est pas écarté à l'encontre de l'hypothèque rechargeable. " Ceux qui auront recours à ce crédit sont ceux qui auront épuisé leur capacité bancaire. Nous redoutons donc la précarisation d'une catégorie d'emprunteurs, estime ainsi Reine-Claude Mader, la présidente de la CLCV. " Nous sommes hostiles à l'hypothèque rechargeable renchérit Nicole Pérez, présidente de l'UFC-Que Choisir car nous trouvons choquante la différence de valeur entre l'objet financé et le bien hypothéqué. Cela va alourdir l'endettement et le passage devant notaire rend le processus complexe. "
A l'inverse, le prêt viager hypothécaire répond à un besoin véritable selon elle, car il n'y pas d'alternative véritable sur le marché, " certains en venant à demander à leurs enfants de se porter caution pour un crédit ".
Un certain volontarisme
Du côté des banques, le scepticisme a fait place à un certain volontarisme. " Nous ferons une offre de crédit hypothécaire ", indique François Drouin, le président du Crédit Foncier. La filiale des Caisses d'Epargne fera une offre à des prospects, mais aussi à ses clients existants en proposant de transformer leur hypothèque initiale. Pour ces crédits, d'un montant significatif (par exemple 20.000 euros) en raison du coût du passage chez le notaire, il travaillera avec la structure de crédit à la consommation de sa maison-mère, crédecureuil. Pour le viager hypothécaire, le nom est déjà trouvé, " la rente immobilière à vie du Crédit Foncier " et le groupe discute de manière avancée avec des assureurs pour couvrir les risques d'hyper-longévité. Le Crédit Agricole indique lui qu'il se lancera en temps voulu sur l'hypothèque rechargeable et reste prudent sur le viager. Le Crédit Mutuel voit davantage d'opportunités pour le crédit rechargeable aux professionnels pour la création d'entreprise par exemple. Chez BNP Paribas, on se montrait intéressé par l'hypothèque rechargeable, mais la dernière version du texte a créé un frein majeur. Il n'est plus possible de réévaluer le montant de l'hypothèque ce qui réduit l'intérêt pour les clients existants.
Surtout, une question embarrasse tous les banquiers, celle du coût fiscal (taxe départementale, timbre...) et notarial de l'hypothèque, jugé prohibitif. Une baisse sensible de ces frais sera nécessaire pour donner à la réforme toutes les chances de succès. Les notaires ont accepté de faire un effort en réduisant de moitié environ le produit de leurs actes. Reste à savoir ce que l'Etat est prêt à faire en matière fiscale. Thierry Breton a simplement indiqué hier que cela " allait être étudié "
Les mesures de protection des consommateurs
Hypothèque rechargeable- Plafonnement du rechargement à la valeur de l'hypothèque initiale ;- règles de protection applicables au crédit à la consommation pour le rechargement s'il s'agit d'un prêt personnel : encadrement de la publicité, information préalable détaillée (TAEG, échéancier d'amortissement...), interdiction d'imposer des indemnités en cas de remboursement anticipé, délai de rétractation de dix jours ;- règles de protection applicables au crédit immobilier s'il s'agit d'un crédit immobilier : offre préalable valable un mois, indemnités de remboursement anticipé plafonnées à 3 %, délai de réflexion de dix jours ;- le crédit revolving est exclu du rechargement, ce qui exclut les petits crédits du rechargement ;- l'emprunteur devra obtenir une situation hypothécaire annexée à l'offre préalable de crédit ;- acceptation de l'offre par acte notarié.Viager hypothécaire- Interdiction du démarchage ;- règles de protection des consommateurs applicables au crédit à la consommation et au crédit immobilier : encadrement de la publicité, obligation d'une offre préalable, délai de réflexion de dix jours, échéancier des versements ;- acceptation de l'offre par acte notarié ;- plafonnement de la dette à la valeur du bien hypothéqué à l'échéance de l'opération.
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